Figures du communisme by Frédéric Lordon

Figures du communisme by Frédéric Lordon

Auteur:Frédéric Lordon [Lordon, Frédéric]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Stratégie, Écologie, Désastre, Transition, Anticapitalisme
Éditeur: La fabrique éditions
Publié: 2021-03-04T23:00:00+00:00


Le luxe capitaliste, ou la beauté prisonnière de l’argent

Quand il n’est pas contraint par des enrôlements violents, le désir de faire des choses est par soi un désir de les faire bien, et même du mieux qu’on peut car, les faisant pour soi, on y met tout de soi. Pour certaines choses, les faire bien, c’est ipso facto les faire belles. Voilà le commencement du luxe.

On aperçoit peut-être déjà ce dont il va s’agir ici avec « luxe », et surtout ce dont il ne s’agira pas. Ni les bidets en or massif des enrichis du néolibéralisme ni, de toute façon, l’amoncellement des objets, pour des raisons qu’on a assez dites : la pure logique de la quantité, qui est celle de la valeur capitaliste, en plus d’exploiter les hommes, dévaste la planète. Il est extrêmement étrange, en fait même absurde, qu’on trouve le mot « communisme » embarqué dans le Fully Automated Luxury Communism de Aaron Bastani77, sorte de prophétie technologiste à base d’imprimantes 3D, de photovoltaïque partout et de conquête spatiale, promettant la résolution des crises climatique, énergétique, et « l’abondance » pour tous – soit à peu de chose près le prospectus de l’imaginaire capitaliste à peine rectifié. Or non. Le nombre des objets dont nous vivrons entourés, leurs taux de renouvellement, baisseront – ils le doivent. L’idée d’un communisme luxueux consiste alors en la réfutation de ce que cette réduction quantitative signifierait un enlaidissement de notre vie matérielle – car nous en aurons encore une. Et plus précisément : c’est la visée du maximum d’embellissement du minimum d’objets que nous conserverons.

L’esthétique des objets hors de la quantité et de la frénésie : voilà la première différence du luxe communiste et du luxe capitaliste. La manière d’y accéder est la seconde. Contrairement à sa version capitaliste qui réserve les choses belles à l’écrémage des fortunes, le luxe peut surgir de tout autres conditions que le pouvoir d’achat monétaire : la liberté pour les producteurs de faire les choses selon leur désir, qui sera le plus souvent un désir de les faire belles et bien. Donc l’affranchissement de toutes les contraintes de la production capitaliste qui les font faire mal. C’est que ces contraintes expriment une cohérence globale : le capital s’efforce toujours de rémunérer minimalement le travail ; il structure donc une demande faiblement solvabilisée ; à laquelle on ne peut proposer que de la marchandise à prix suffisamment faible ; donc produite dans des conditions de productivité qui les vouent à être mal faites ; par des salariés maltraités et peu payés ; et la boucle est bouclée. Seule la crème des riches échappe à la boucle de la camelote. La frange où se concentre la richesse trouve alors une offre qui, au doublet « mauvaise qualité/productivité » des marchés de masse, substitue la formule « bonne qualité/prix élevé » des marchés d’écrémage.

Le système du salaire à vie brise cette fatalité de la camelote. Il la brise par le découplage de l’activité et de la rémunération.



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